Autour de Boris avec Monk et Davis

Collège Boris Vian à Lille, Resac Nord 3 Minutes

crédits photo: Martin Granger

J’ai accompagné pendant une douzaine de séances les classes de quatrième Monk et Davis du collège Boris Vian de Lille Fives, en compagnie de leur enseignant en musique, Nicolas Parmentier. L’idée directrice était d’aborder la création artistique sous des angles très différents, comme a pu le faire Boris Vian, qui était poète, écrivain, ingénieur, musicien, cinéaste…

  • Raconter des salades
  • Refiler un tuyau
  • Mettre de l’eau dans son vin
  • Les murs ont des oreilles
À la façon de Boris Vian dans ses romans, nous avons pris des expressions françaises au pied de la lettre. Voici certaines des expressions auxquelles vous avez échappé : pousser mémé dans les orties, lâcher une caisse, tourner autour du pot, tomber dans le panneau, être à côté de la plaque…

En s’inspirant de la chanson Mozart avec nous chantée par Vian sur l’air de la marche turque, les élèves ont écrit une chanson sur l’air de la 40e symphonie de Mozart :

L’orthographe a péri dans les flammes
argentées des pays ténébreux
la grammaire a pourri jusqu’à l’âme
dans la cave des morts ambitieux
les fractions écartelées
et Pythagore explosé
tout ça c’est vraiment pas joyeux
l’art plastique a fini en charpie
broyé par le couteau du mixeur
la musique dans la boucherie
a souffert jusqu’à sa dernière heure

En se basant sur trois titres emblématiques de l’œuvre de Vian, les élèves ont construit un générateur informatique capable de proposer des milliers de nouveaux titres. Après en avoir sélectionné une dizaine, il s’agissait d’écrire la quatrième de couverture de chacun de ces romans inédits…

Nous avons travaillé sur un concept de pianocktail céleste : de la même façon que le célèbre instrument conçu par Boris Vian transforme de la musique en boisson, nous avons imaginé de transformer les données des 8 planètes du système solaire en musique. Ainsi la période de rotation donne la longueur de chaque note, tandis que la fréquence est corrélée à la taille de la planète. Plus les planètes sont éloignées, plus elles sont noyées dans la réverbération.

Petit clin d’œil au Vian pataphysicien, ces panonceaux s’inspirent de ceux qu’on peut trouver dans l’enceinte de l’établissement. Des contraintes oulipiennes ont permis de transformer par exemple « sortie de secours » en « entrée de danger » (antonymes) ou en « éruption de réconfort » (synonymes). La porte coupe-feu est devenue coupe-feuille par la grâce du « S+7 ». Enfin, la « baignoire de mort buissonnière » est une antonymisation du « bureau de vie scolaire ».

Vian adorait créer des néologismes. Nous lui avons emboîté le pas, et espérons qu’un prochain dictionnaire tiendra compte de ces inventions :

Harqueur > arc dont la flèche sert à faire une marque dans les endroits inaccessibles
Cification > fausse définition donnée par un enfant
Joubale > journal spécialisé dans les sports de balle
Lancout > personne au cou très long et flexible
Saze > musique qui utilise des objets recyclés Coquarte > carte dans laquelle un même lieu figure en plusieurs exemplaires
Philistère > endroit le plus oriental de la France
Regens > présence de nombreuses personnes dans une salle trop petite. Reliporant > produit pour nettoyer les murs sans abîmer la peinture
Manutant > mutant en voie de civilisation
Rabatte > capacité à boire de l’alcool sans en ressentir les effets
Bloir > sous-espèce de loir qui présente la couleur du bois
Ploxygène > gaz mortel qu’on trouve dans les profondeurs terrestres
Helfa : elfe de sexe féminin
Hiemmaque > variante minuscule du tyrannosaure

Enfin, un poème fondu d’amour a été composé par les élèves à partir de mots glanés dans des ouvrages de Boris Vian :

Tu es l’écume de mon bifteck
Tu es le chemin de ma tourniquette
Tu es le kamikaze de mon cristal
Tu es la tomate de mon astronomie
Tu es la manœuvre de mon gigot
Tu es l’atmosphère de ma pulsation
Tu es le lampion de mon cœur
Tu es le folklore de mon orbite
Tu es la peau de ma zizique
Tu es la queue de ma casserole
Tu es le cerveau de mon guignon

Publié par Martin Granger

Après quelques années de journalisme, Martin Granger a opté pour la chanson, mais s’est lancé dans le théâtre pour l’abandonner au profit de l’animation d’ateliers d’écriture, qu’il délaisse toutefois pour devenir compositeur, jusqu’à ce qu’il trouve un vrai métier, la conception de sites web, avant d’en démissionner pour se consacrer à sa passion : les jeux oulipiens et pataphysiques, dont le détournera l’invention de générateurs de textes automatiques. Outre un attachement à la langue et à la musique, une constante de son travail serait d’essayer de ne jamais faire deux fois la même chose, avec pour résultat qu’il ne s’ennuie jamais.

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